L’intelligence artificielle n’épargne aucun secteur, mais elle prend dans l’industrie une dimension structurelle. À travers des applications concrètes comme la maintenance prédictive, l’optimisation énergétique ou la simulation d’ingénierie, elle redéfinit les marges de productivité dans les grands groupes industriels du CAC 40, même si la R&D et la maintenance critique restent très dépendantes de l’activité humaine. Selon l’étude IA & Productivité 2030 du Hub Institute, les entreprises de ce secteur peuvent espérer entre +3,5 % et +6 % de gains de productivité par an sur dix ans.
Airbus : l'automatisation en vol
Airbus figure parmi les leaders incontestés de cette dynamique. Le groupe, actif dans l’aéronautique et la défense, présente une exposition à l’IA estimée entre 52 % et 55 % de ses tâches, notamment dans la chaîne de production, la modélisation et la gestion des flux logistiques. La rentabilité des cas d’usage est évaluée à plus de 56 %, et les économies sur les coûts de travail atteignent 35 % à 37 %. L’étude estime ainsi que la productivité du groupe pourrait progresser de +5,1 % à +5,9 % par an.
L'IA pourrait augmenter la productivité du groupe Airbus entre 5.096% et 5.902% par ans sur 10 ans • Hub Institute
Ces gains reposent sur plusieurs leviers : automatisation des contrôles qualité par vision artificielle, gestion prédictive des pannes sur les lignes de production, ou encore jumeaux numériques pour simuler les performances des matériaux et optimiser les design. L’intensité des investissements IA est élevée, mais les retours sur productivité sont tangibles.
ArcelorMittal : l’IA entre dans les aciéries
Dans un secteur moins digitalisé comme la sidérurgie, les effets de l’IA commencent à se faire sentir. ArcelorMittal, leader mondial de l’acier, automatise ses procédés de fabrication et sa gestion énergétique. L’étude estime que 46 % à 48 % de ses tâches sont exposées à l’IA, avec une rentabilité d’environ 50 % à 52 % et une réduction des coûts de main-d’œuvre de 32 % à 34 %. Résultat : un gain de productivité annuel projeté entre +3,7 % et +4,2 %.
Les applications concernent la surveillance temps réel des fours, la maintenance prédictive des équipements, ou encore l’optimisation de la consommation d’énergie. Des projets de vision par ordinateur permettent aussi d’automatiser certaines étapes de contrôle qualité. Ces avancées restent ciblées, mais elles commencent à peser dans les bilans.
TotalEnergies : IA et infrastructures
Du côté de l’énergie, TotalEnergies se distingue par une politique volontariste d’adoption de l’IA dans ses infrastructures de production et de distribution. L’étude évalue à 50 % la part de ses tâches automatisables par l’IA, avec une rentabilité des usages estimée entre 50 % et 55 %, et des économies de coûts salariaux autour de 35 %. Le groupe pourrait ainsi atteindre jusqu’à +5,5 % de gains de productivité par an.
L’IA est mobilisée pour détecter les anomalies sur les pipelines, anticiper les besoins de maintenance, ou encore optimiser les flux logistiques des carburants et gaz. La combinaison de capteurs connectés, de modélisation prédictive et d’algorithmes d’optimisation permet de mieux gérer les installations complexes, tout en réduisant les arrêts techniques et les pertes.
Air Liquide, Safran, Saint-Gobain : d’autres trajectoires
D’autres industriels du CAC 40 présentent des profils proches, à des stades de maturité divers. Air Liquide, dans les gaz industriels, combine IA et capteurs pour améliorer la maintenance et la traçabilité. Son gain de productivité est estimé entre +2,9 % et +3,9 % par an. Safran, dans l’aéronautique, exploite les jumeaux numériques et l’automatisation des tests, avec un potentiel allant jusqu’à +5,3 % de productivité annuelle.
Saint-Gobain, actif dans les matériaux de construction, intègre l’IA pour optimiser ses chaînes logistiques et ses flux de production. La base installée est massive, et les économies potentielles à grande échelle, ce qui devrait générer des bénéfices à +5,1 % en hypothèse haute.
Une course technologique bien engagée
Dans les usines comme dans les centres R&D, l’IA suppose une refonte des systèmes d’information, une collecte de données rigoureuse et une adaptation des équipes techniques. Le retour sur investissement dépend donc d’une exécution méthodique.
Le rapport souligne cependant que l’industrie française est bien engagée dans la course. Les groupes les plus avancés (Airbus, TotalEnergies, Safran) disposent d’infrastructures compatibles avec l’IA et d’équipes dédiées. D’autres acteurs, plus fragmentés ou exposés à des contraintes de terrain, progressent par paliers.
D’ici à 2030, l’IA devrait permettre aux industriels du CAC 40 de franchir un nouveau cap de productivité – à condition de continuer à structurer les investissements, former les équipes, et intégrer l’IA dans les processus critiques sans perdre en robustesse opérationnelle.
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