Désinformation politique : un mal venu de droite

Les risques de la désinformation • Qant, M. de R. avec Midjourney

Une étude analysant plus de 400 000 tweets d'hommes et femmes politiques en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis met en lumière des dynamiques contrastées dans la propagation de la désinformation. L’Italie et les États-Unis enregistrent les taux les plus élevés de diffusion de fakes, majoritairement partagés par des figures de la droite conservatrice et extrême droite.

Les réseaux sociaux jouent un rôle central dans la circulation de l’information politique, et les hommes et femmes politiques figurent parmi les principaux relais de contenus viraux. Une étude récente de chercheurs issus d’universités allemandes et italiennes s’est intéressée à leur comportement sur X (anciennement Twitter) entre 2020 et 2021, en pleine période de crise sanitaire et politique. Son objectif : comprendre la dynamique de la désinformation dans quatre pays – l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et les États-Unis – en analysant la fréquence de partage de contenus trompeurs et l’engagement du public vis-à-vis de ces messages.

Des partis politiques inégalement impliqués

L’analyse des affiliations politiques des auteurs de tweets trompeurs révèle une tendance marquée : la majorité des contenus de désinformation provient de figures de la droite conservatrice et de l’extrême droite. En Allemagne, le parti Alternative für Deutschland (AfD) est responsable de 95,5 % des tweets trompeurs identifiés. En Italie, Fratelli d’Italia arrive en tête (70,7 %), tandis qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni, ce sont respectivement les partis républicain (76,4 %) et conservateur (57,3 %) qui dominent cette tendance.

Désinformation et distribution de l'engagement par parti politique • Source : Jingyuan et al.

Cette surreprésentation des partis de droite radicale confirme des tendances déjà observées dans d’autres recherches, qui soulignent leur recours plus fréquent à des stratégies de communication populistes, parfois fondées sur des informations trompeuses pour mobiliser leur électorat.

Une prédominance de la désinformation en Italie et aux États-Unis

Les résultats montrent une répartition inégale de la désinformation entre les pays. L’Italie présente le taux de diffusion le plus élevé, avec 4,9 % des tweets des hommes et femmes politiques qui contiennent de la désinformation, soit plus du double du niveau observé aux États-Unis (2,2 %). L’Allemagne et le Royaume-Uni affichent des taux nettement inférieurs, respectivement à 1,1 % et 0,4 %.

Les différences entre ces pays sont en partie attribuables à la structure de leurs systèmes médiatiques. Au moment de l’étude, l’Allemagne et le Royaume-Uni étaient encore caractérisés par un assez fort degré de confiance envers les médias traditionnels et une moindre polarisation politique, ce qui les rendait plus résilients face à la désinformation. En revanche, l’Italie et les États-Unis connaissaient déjà une forte fragmentation de leur paysage médiatique, avec une présence accrue de discours populistes et une défiance marquée envers les médias établis.

Comportement de désinformation par pays et par niveau de hiérarchie politique • Source : Jingyuan et al.

Une audience plus réceptive à la désinformation aux États-Unis

L’engagement du public varie également fortement d’un pays à l’autre. Aux États-Unis, les tweets qui contiennent de la désinformation reçoivent en moyenne 2,5 fois plus d’engagement (likes et retweets) que les contenus vérifiés. En Italie, l’engagement reste similaire entre désinformation et information fiable, tandis qu’en Allemagne et au Royaume-Uni, les contenus fiables suscitent un intérêt nettement plus important.

Cette tendance révèle un phénomène d’adhésion au contenu plutôt qu’à sa véracité, notamment aux États-Unis où la polarisation politique est très marquée. La désinformation y fonctionne comme un outil de mobilisation au sein de certains segments de l’électorat.

Les crises, catalyseurs de la désinformation

L’étude met également en évidence l’impact des crises sur la diffusion de la désinformation. En Italie, les contenus trompeurs liés à la Covid-19 représentent une part significative des tweets des hommes et femmes politiques, surpassant même la désinformation générale. Cette dynamique illustre comment les périodes d’incertitude peuvent favoriser la propagation d’informations erronées.

Cependant, l’engagement du public vis-à-vis de la désinformation de crise reste globalement inférieur à celui de la désinformation classique, sauf en Italie où la crise sanitaire a constitué un terreau fertile pour la propagation de rumeurs et de fausses nouvelles.

Pour en savoir plus :

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