Il n'y avait pas que l'IA, jeudi 26 août, à l'université d'été de l'Asset Management organisée par la House of Finance de l'université Paris Dauphine, en partenariat avec Qant. Le thème de cette édition 2024, « La technologie au service des investisseurs et des gérants », promettait la part belle à l'IA et ses multiples applications dans le secteur de la finance. Mais la blockchain n'a peut-être pas dit son dernier mot. « Suite au scandale FTX, la finance décentralisée a marqué un temps d’arrêt » reconnaît en ouverture de conférence Hervé Alexandre, professeur de finance à l'université Paris Dauphine où il a créé la Chaire Fintech. « Mais la technologie est là ».
Les remous causés en 2022 par la faillite de FTX et ses conséquences ont laissé penser qu'il s'agissait du scandale de trop dont le secteur de la blockchain ne se relèverait pas. Pourtant, les cas d'usages de cette technologie se multiplient, et permettent de croire que la blockchain a atteint le « plateau de productivité » du célèbre cycle de Gartner (voir ci-dessous). C'est le cas du secteur de la gestion d'actifs, comme l'explique Hervé Alexandre : « Dans cet univers qui se décentralise, se pose la question de la confiance envers les tiers de confiance qui gravitent autour d’une plus petite entité. La blockchain, elle, est une base de données, un registre décentralisé. »
Une transparence qui séduit client et gestionnaires d’actif
Une technologie qui convainc par sa transparence, d'abord. Alors que l'innovation technologique a pu se développer très rapidement dans le secteur du paiement, la gestion de l'épargne s'est montrée plus récalcitrante en raison d'une méfiance plus importante des utilisateurs. La blockchain, elle, a le mérite de la transparence : « Une fois qu’une transaction est inscrite dans un bloc et que celui-ci est inscrit dans la blockchain, on ne peut plus le modifier » explique Hervé Alexandre. Cet argument de la transparence est repris par les acteurs des entreprises blockchains eux-mêmes : « Les acteurs intermédiaires ont besoin de cette transformation digitale. On a aujourd’hui très peu d’informations et de transparence sur les investisseurs finaux », affirme Olivier Portenseigne, CEO de FundsDLT, plateforme luxembourgeoise de tokénisation à destination des fonds d'investissement. Celui-ci considère que la transparence permise par la blockchain pourrait offrir une « hyper-personnalisation de l'expérience client, pour designer une offre beaucoup plus proche de la clientèle puisqu'on connaît cette dernière ». La transparence de la blockchain permet de gagner la confiance des clients, mais également des membres de la chaîne de distribution des fonds d'investissements : « la blockchain peut permettre de créer de nouvelles fondations permettant à ses acteurs qui ne se font pas confiance aujourd’hui d’utiliser une infrastructure décentralisée permettant la distribution du registre du fonds sur tous les intermédiaires de la chaîne ».
“Vers une hyper-personnalisation de l’expérience client” • Olivier Portenseigne, CEO de FundsDL
La tokénisation d'actifs, qui permet d’ « offrir la capacité d’entrer sur un marché pour des petits montants tout en étant garanti que chaque transaction est vérifiée et fiable », explique Hervé Alexandre. « Un token de fonds d’investissement reste un instrument financier qui est soumis à un certain nombre de règles, il n’est pas librement accessible comme on peut l’entendre » rappelle néanmoins Olivier Portenseigne.
La réglementation pour faire sauter les derniers garde-fous
L'argument de la simplicité est également mis en avant, comme l'explique Olivier Portenseigne : « La blockchain est intéressante d’un point de vue de l’infrastructure, mais la facilité d’accès au produit est également un élément central. La blockchain permettra de rendre l'accès aux fonds d'investissement plus simple, l’objectif est que ces derniers soient accessibles partout et par n'importe qui ».
Pour autant, le fantôme de FTX et des scandales de la crypto resurgit sans cesse : « On est dans le cas d’une organisation centralisée mais non réglementée et frauduleuse » rappelle Hervé Alexandre à propos de FTX. Une entité centralisée qui ne correspond pas selon lui à la réalité de la blockchain : « Comment faire confiance à des entités qui n’ont pas d’historique, qui sont peu réglementées ? Plus on fera confiance à ces petites entités et moins les gens se feront piéger par de pseudo-sociétés centralisées qui ne sont pas réglementées et qui sont malhonnêtes. » Pour le professeur à l'université Paris Dauphine, la réponse la plus évidente reste celle de la réglementation, à l'image du règlement Mica. Une réglementation qui pourrait permettre au secteur de sortir du « creux de la désillusion » de Gartner pour enfin atteindre la stabilité.