L’IA change la France en profondeur

Un futur rempli d’IA • Qant, M. de R. avec Midjourney

Le cabinet Roland Berger et VivaTech analysent les multiples impacts de l’intelligence artificielle sur la société, tout en proposant des recommandations pour concilier innovation technologique et responsabilité sociétale.

Roland Berger vient de publier une étude basée sur les données du Good Hack à VivaTech 2024, sur le thème “Comment l’IA peut-elle devenir un instrument au service de l’intérêt général ?”. Le cabinet y analyse l'impact sociétal de l'intelligence artificielle en France. Il explore la perception de l'IA par les Français – du moins, ceux qui ont participé à Vivatech –, sensibles à la fois à son potentiel positif (santé, environnement, emploi) et ses risques (désinformation, impact environnemental, pertes d'emplois). L'étude examine également les défis éthiques et réglementaires posés par l'IA, en particulier concernant la propriété intellectuelle et la protection des données. Enfin, elle formule des recommandations pour une utilisation responsable de l'IA, mettant l'accent sur la complémentarité homme-machine et la nécessité de réglementations appropriées.

57% des participants à Vivatech utilisent l'IA tous les jours • Source : Roland Berger-VivaTechnology

L'étude se base sur les résultats d'un marathon d'idéation qui a eu lieu lors de l'édition 2024 du salon VivaTech. À cette occasion, 14 000 visiteurs ont été interrogés sur leur perception de l'IA et leurs idées pour la mettre au service de la société. Trois méthodes de collecte de données ont été adoptées : un sondage de rue utilisant l'outil Klaxoon, 12 ateliers d'idéation et 10 entretiens avec des experts en IA. Ces résultats ont été complétés par des analyses qualitatives et quantitatives menées par Roland Berger.

La santé illustre particulièrement le potentiel de l’IA et de la tech. Des outils comme les jumeaux numériques, capables de simuler le fonctionnement d’organes ou de systèmes biologiques entiers, transforment la recherche médicale. Ils permettent d’accélérer les essais cliniques et de réduire les risques pour les patients. En radiologie, l’IA s’affirme comme un allié précieux en détectant des anomalies complexes, souvent invisibles pour l’œil humain, et améliore ainsi la précision des diagnostics.

Des gains pour l’industrie et des solutions pour l’environnement

Dans l’industrie, l’IA permet d’optimiser les chaînes de production. Les systèmes prédictifs anticipent les pannes et prolongent la durée de vie des équipements, ce qui réduit ainsi les coûts d’exploitation, ainsi que leur empreinte carbone. Un fabricant de véhicules utilisant ces technologies peut, par exemple, abaisser ses coûts de maintenance de 20 %. De plus, les processus de personnalisation à grande échelle, basés sur l’analyse en temps réel des données clients, répondent à une demande croissante pour des produits sur mesure.

Une majorité des répondants pensent que l’IA aura un effet positif sur l’emploi, l’environnement et la santé • Source : Roland Berger-Viva Technology

Sur le plan environnemental, l’IA apporte également des solutions directes. Dans le transport, les algorithmes de gestion des itinéraires réduisent les trajets inutiles, contribuant à une baisse des émissions de CO₂. Par ailleurs, l’agriculture de précision bénéficie de capteurs et de modèles intelligents permettant d’ajuster l’irrigation et l’utilisation d’engrais, tout en réduisant les impacts écologiques.

Fonctionnaires menacés

L’automatisation permise par l’IA a un impact direct sur l’emploi. Roland Berger estime que 9 % des postes actuels pourraient disparaître d’ici dix ans. Les emplois dans les secteurs de la logistique, de la comptabilité ou encore de la production industrielle sont particulièrement exposés. En France, la part des emplois impactés par l’IA est plus forte dans le secteur public (37 %) que dans le privé (32 %), ce qui augure de nombreuses difficultés.

Cependant, de nouveaux métiers émergent, notamment dans la gestion des données, la cybersécurité ou encore la conception de solutions éthiques pour l’intelligence artificielle. Ces opportunités exigent des compétences spécifiques que beaucoup de travailleurs n’ont pas encore.

Le rapport insiste donc sur l’importance d’investir massivement dans la formation. En finançant des cursus en science des données ou en développement d’algorithmes, les politiques publiques pourraient atténuer l’impact de ces bouleversements.

Une technologie à encadrer pour éviter les dérives

Parallèlement, l’IA soulève des enjeux éthiques majeurs. La reconnaissance faciale, de plus en plus utilisée dans les espaces publics, alimente les craintes liées à la surveillance généralisée. Sans encadrement juridique, ces outils pourraient porter atteinte aux libertés individuelles.

Le rapport pointe également les biais algorithmiques, résultat de bases de données inégalitaires. Par exemple, certains systèmes de recrutement favorisent involontairement des candidats masculins, reflétant des déséquilibres historiques dans les données utilisées pour leur apprentissage. Ces biais risquent d’amplifier les inégalités sociales si des mesures correctives ne sont pas adoptées.

Recommandations pour une IA responsable

Pour relever ces défis, Roland Berger et le Good Hack proposent plusieurs pistes. Tout d’abord, la transparence des algorithmes est essentielle : les entreprises doivent rendre leurs systèmes explicables, en particulier dans les secteurs sensibles comme la santé ou la finance.

En employant des algorithmes sophistiqués pour recouper et vérifier les données, provenant de multiples sources crédibles, l'IA peut réduire considérablement la diffusion de fausses informations”, espèrent-ils en outre.

Sans surprise, le rapport plaide également pour une souveraineté numérique européenne. Développer des infrastructures locales, comme le projet Gaia-X (une initiative européenne visant à créer une infrastructure numérique souveraine, sécurisée et transparente pour le stockage et le partage de données), permettrait de réduire la dépendance vis-à-vis des géants américains et chinois de la technologie.

Enfin, la sensibilisation du grand public est cruciale. Introduire des modules pédagogiques sur l’intelligence artificielle dans les écoles aiderait à mieux comprendre ses implications et à en tirer parti sans naïveté.

Mais peut-être peut-on se dire que ces propositions sont elles-mêmes bien naïves, alors que le monde attend la présidence Trump.

Un futur rempli d’IA • Qant, M. de R. avec Midjourney

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