Le paradoxe de l’IA au travail

"Le paradoxe de l'IA au travail" (Qant, M. de R. avec Midjourney)

Un rapport de BCG X montre une accélération de l’utilisation de la GenAI par des salariés conscients que leur travail pourrait être modifié, voire menacé, par la vague de l’IA.


“Evolution du sentiment des salariés vis-à-vis de l’IA depuis 2023” (Source : BCG)

“Evolution du sentiment des salariés vis-à-vis de l’IA depuis 2023” (Source : BCG)

« Nous constatons une augmentation massive sur un an de la confiance des travailleurs dans l'utilisation de l'IA, mais aussi une diminution de l'optimisme, quant à son utilisation au sens large pour la société, et une augmentation de l'anxiété liée à l'IA » explique Sylvain Duranton, qui dirige BCG X, l’entité tech du Boston Consulting Group. L’édition 2024 de son étude AI at Work: Friend and Foe met en lumière l'adoption croissante de l'intelligence artificielle sur les lieux de travail à travers le monde.

Le paradoxe de l’IA

En 2024, 79 % des sondés pensent que l'IA changera considérablement leur métier, contre 75 % en 2023. De plus, 42 % craignent que leur emploi n'existe plus dans dix ans, une hausse significative par rapport aux 36 % de 2023. Cette perception est particulièrement forte chez les utilisateurs réguliers de la GenAI, qui sont plus enclins à redouter la disparition de leurs postes. La confiance dans l'IA générative a augmenté de manière significative depuis 2023, passant de 26 % à 42 % de sondés. Cependant, cela s'accompagne d'une augmentation des craintes de perte d'emploi, également à 42 % (+6 points).

Cette dualité, appelée le "paradoxe de l'IA" par BCG X, illustre la tension entre les attentes de productivité accrue et les inquiétudes liées à l'automatisation. Les salariés qui utilisent régulièrement l'IA apparaissent comme étant à la fois conscients que leur travail peut être modifié voire supprimé par l'IA, mais affichent une relative confiance par rapport à ce constat.

Différence de confiance et d’anxiété envers l’IA selon le type de salarié (Source : BCG)

Différence de confiance et d’anxiété envers l’IA selon le type de salarié (Source : BCG)

Les employés de première ligne, qui constituent 33 % des sondés, sont moins confiants dans la GenAI que les managers (41 %) et les leaders (50 %). Cette différence est également observable en matière de formation : seulement 28 % des employés de première ligne ont été formés à l'impact de l'IA sur leur travail, contre 50 % des leaders. Cependant, les employés de première ligne constituent également le segment de travailleurs dont la part de ceux utilisant fréquemment l’IA a le plus augmenté depuis 2023 (de 20 à 52%).

Evolution de l’utilisation régulière de la GenAI par les salariés (Source : BCG)

Evolution de l’utilisation régulière de la GenAI par les salariés (Source : BCG)

Une différence géographique marquée

La différence de confiance et d’anxiété vis à vis de l’IA entre le Nord et le Sud (Source : BCG)

La différence de confiance et d’anxiété vis à vis de l’IA entre le Nord et le Sud (Source : BCG)

Le rapport sépare le globe entre pays du Nord économique et du Sud global. Il souligne une divergence notable entre les deux blocs. Les pays du Sud comme l'Inde (54 % de confiance) et le Brésil (51 %), affichent une confiance plus élevée dans la GenAI que les pays du Nord, comme les États-Unis (27 %) ou le Japon (23 %). Cette confiance se traduit par une adoption plus fréquente de l'IA au travail dans le Sud. Selon le BCG, elle peut par exemple s'expliquer par une population plus jeune dans les pays du Sud, mais également par des entreprises en moyenne plus jeunes et donc plus innovantes dans ces régions.

Gains de productivité et utilisation du temps

Selon le rapport, 58 % des utilisateurs de la GenAI économisent au moins cinq heures par semaine grâce à l'outil. Ces gains de temps sont principalement utilisés pour accomplir de nouvelles tâches (41 %), expérimenter avec l'IA (38 %) et travailler sur des tâches stratégiques (38 %). L'IA permet ainsi non seulement d'augmenter la productivité, mais aussi de réorienter le travail vers des activités à plus forte valeur ajoutée.

Les utilisateurs de la GenAI utilisent notamment le temps économisé pour réaliser des tâches nouvelles et plus nombreuses (Source : BCG)

Les utilisateurs de la GenAI utilisent notamment le temps économisé pour réaliser des tâches nouvelles et plus nombreuses (Source : BCG)

L’étude souligne l'importance cruciale de la formation pour maximiser les bénéfices de l'IA. Toutefois, il existe un écart de formation entre les niveaux hiérarchiques et les régions. Dans le Nord, seulement 27 % des employés de première ligne ont été formés à l'IA, contre 50 % dans le Sud. Pour combler ce fossé, le BCG recommande de renforcer les initiatives de formation à grande échelle et de prévoir du temps protégé pour l'apprentissage et l'adaptation à la technologie.

À long terme, le BCG estime que la réaffectation des travailleurs et l'évolution des modèles opérationnels seront des enjeux clés. Pour y répondre, il est nécessaire d’adopter une approche de transformation complète, en valorisant la création de valeur et de la satisfaction des employés grâce à l'IA. Vinciane Beauchêne, managing director chargée notamment de la conduite du changement au BCG, file la métaphore : "Il faut changer sa façon de travailler. Si vous marchez à côté du vélo, si vous continuez à faire les choses comme vous les avez toujours faites, vous n'irez pas plus vite. Au contraire, cela risque de vous ralentir. Il faut donc adapter la façon dont vous interagissez avec l'outil et l'intégrer dans votre quotidien".

Reste à pédaler.

Pour en savoir plus :

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