Déjà, la blockchain de la bourse de Zurich, SIX Digital Exchange (SDX), vient d’accueillir une émission obligataire de 100 millions de francs suisses numériques (e-CHF), émise par le canton de la ville. D'une durée de 11 ans avec un coupon de 1,45%, il s’agit du premier actif de long terme libellé dans une monnaie numérique et librement échangé sur un marché, non pas en test mais en production.
Or, le canton de Zurich lui-même ne fait pas partie du pilote de l’e-CHF. Il devra donc recevoir des francs suisses sonnants et trébuchants. Les obligations zurichoises transiteront donc pour partie sur la blockchain SDX, en monnaie numérique, et pour partie sur la plateforme traditionnelle de SIX, baptisée SIS CSD. Ces deux systèmes de règlement-livraison sont radicalement différents. Le premier est instantané (T0), le deuxième règle à deux jours (T+2). Comme les obligations sont nativement numériques, l’inscription sur la blockchain fera foi, mais la coexistence des deux plates-formes promet d’être complexe, qu’il s’agisse du marché interbancaire, comme ici, ou de l’utilisation de la monnaie par le grand public.
Cent mille Coréens
Pour sa part, la Banque de Corée (BOK) a annoncé le mois dernier un projet de développement d’un won numérique “de gros”, destiné au marché interbancaire. Elle vient de lancer un deuxième pilote, qui simulera l'intégration du won numérique dans le marché des permissions carbone. Mais ce nouveau pilote marque surtout une avancée dans la “monnaie de détail”.
L’an prochain, 100 000 Coréens pourront utiliser le won numérique pour acheter des biens et des services. Plus précisément, ils pourront les payer avec des jetons de dépôt (deposit tokens), dont l'utilisation sera limitée, à l’instar d’un bon d'achat ou d’un ticket-restaurant. Les participants seront recrutés via les banques partenaires courant 2024, afin que le pilote se déroule au quatrième trimestre.
Le premier pilote, qui avait commencé en 2020, s’est conclu cet été avec des réserves techniques sur la blockchain choisie. En tant que voucher, cependant, le won numérique devrait aisément l’emporter sur ses équivalents en monnaie scripturale. Et la technologie des blockchains continue de s’améliorer.
En particulier, la technologie des preuves à divulgation nulle de connaissance (zero-knowledge proofs) semble faire des progrès intéressants, avec le lancement de plusieurs rollups à connaissance nulle (ZK-rollups). Celles-ci veulent améliorer l'efficacité des blockchains en réduisant l'espace de bloc nécessaire pour une transaction et en exécutant plus de transactions hors chaîne. Les ZK-rollups réduisent la nécessité d’accéder au réseau principal Ethereum (et les frais qui en découlent) en déplaçant le calcul et le stockage d'état hors chaîne. Le premier pilote comptait justement, parmi ses nombreux partenaires, Zkrypto pour les preuves zero-knowledge et OnTher pour la mise à l’échelle de layer 2 (et puis encore, Kona I pour les cartes prépayées, Dream Security pour l'authentification, GroundX, NGLE, KPMG, Kakao Group, Samsung Electronics, S-core…).
On observe le même bouillonnement dans l'interopérabilité des blockchains et surtout la tokenisation des actifs réels. En matière d’innovation, le futur déploiement des monnaies numériques semble ainsi prendre le relais des cryptos.
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