En 2023, les États membres de l’Union européenne ont dépensé collectivement 240 milliards d’euros pour leur défense, dont 58 milliards d’euros spécifiquement alloués à l'innovation technologique. Des pays comme l'Allemagne et la Pologne jouent un rôle moteur dans cette dynamique, avec des investissements conséquents dans des technologies de pointe. Cela semble en passe de provoquer la naissance d’une industrie européenne du capital-risque tournée vers les technologies de duales et de défense comme la cybersécurité et l’intelligence artificielle. Pour la première fois cette année, les investissements en la matière en Occident devraient dépasser 1 milliard de dollars (900 M€), selon le cabinet britannique Dealroom, contre 650 M€ en 2023 et 135 M€ en 2018. S’y ajouteront 1,7 milliard de dollars (1,5 Md€) prévus pour les start-up européennes en cybersécurité (contre 1,3 Md$ l’an dernier).
Pour ce qui est de la miltech, il ne s’agit certes que de 1,8 % des sommes investies par le capital-risque, mais la comparaison avec les 0,4 % de 2022 est parlante. Au cœur de cette embellie, deux deals importants, tous deux en série C : l’allemande Helsing, qui a levé 450 millions de dollars (400 M€ environ) en juillet, et la française UnseenLabs, qui a réuni 61,6 millions de dollars (55,7 M€). Basée à Cesson-Sévigné en Ille-et-Vilaine, UnseenLabs a mis au point un service de surveillance maritime, alors que la munichoise Helsing s’attache à la modernisation des forces militaires par l’IA, notamment dans les pays baltes et en Ukraine. Elle serait notamment impliquée dans le système de combat aérien du futur (SCAF), porté par Airbus.
Les investissements en capital-risque dans la “miltech”, par tour • Source : Dealroom
Une histoire occidentale…
Les investissements en technologies de défense sont principalement concentrés en Allemagne, au Royaume-Uni et en France. Ces trois pays totalisent 87 % des financements européens dans ce domaine depuis 2018. La ville de Munich, en particulier, se distingue comme un centre important pour l'innovation en matière de défense, notamment grâce à la présence de Helsing. Loin derrière, Bristol, Paris et Londres sont également identifiées dans le rapport comme des hubs régionaux majeurs pour les technologies de défense.
Principales villes européennes pour les investissements en capital-risque dans le domaine de la défense depuis 2018 • source: Dealroom
Cette concentration des investissements en Europe occidentale reflète à la fois la présence de grandes entreprises technologiques et le soutien des gouvernements, qui cherchent à stimuler l’innovation dans ces secteurs stratégiques.
… et notamment américaine
Cependant, l’augmentation des investissements dans les start-up, principalement d’Europe occidentale, est d’abord le fait d’investisseurs américains. Leur part représente au moins les deux tiers du total, un montant sans précédent.
Les investissements dans les start-up européennes de défense, par siège des investisseurs • Source : Dealroom
Les racines du phénomène sont profondes. Les États-Unis représentent à eux seuls 83 % des investissements en capital-risque dans les technologies de défense parmi les pays de l’Otan depuis 2018. Des sorties comme l’IPO de Palantir, spécialiste de l’IA et du big data pour la sécurité (lire Qant du 11 mars) ont créé des équipes d’investissement solides, capables de levées de fonds importantes, comme Anduril, spécialisée dans les robots de combat, qui a levé 1,5 milliard de dollars (1,4 Md€) en juin dernier.
En conséquence, les collaborations transatlantiques continuent de jouer un rôle clé. Parmi les 10 principaux investisseurs en miltech, seuls 2 sont européens : le fonds d’amorçage du Conseil européen pour l’innovation, créé par la Commission, et l’allemand Project A. Tous les autres sont américains. Parmi eux, Andreessen Horowitz, Founders Fund et General Catalyst sont particulièrement actifs en Europe, observe Dealroom.
Evolution de l’investissement en capital-risque dans la défense, par zone et par année • Source : Dealroom
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