Le projet Agorá de la Banque des règlements internationaux (BRI) a franchi mi-septembre une étape importante avec l'intégration de 41 institutions financières sélectionnées pour participer aux tests publics et privés de cette initiative. Lancé en avril dernier, ce projet vise à moderniser le système de paiements transfrontaliers en utilisant un registre unifié, des dépôts bancaires tokenisés et des monnaies numériques de gros provenant de sept banques centrales. L’objectif principal est de résoudre les inefficacités structurelles du modèle bancaire correspondant actuel.
Les tests de ce projet, coordonnés par l'Institute of International Finance (IIF), incluent les grands réseaux de paiement, Visa, Mastercard et Swift, ainsi que des bourses numériques comme l’helvétique Six Digital Exchange et des chambres de compensation comme Euroclear. Et, bien sûr, des banques centrales pour les sept juridictions participantes: la Banque de France pour l'Eurosystème, la Banque du Japon, la Banque de Corée, la Banque de Mexico, la Banque nationale suisse, la Banque d'Angleterre et la Réserve fédérale de New York. Sans oublier des banques privées, et pas les moindres : JP Morgan, UBS… et, pour la France, BNP Paribas, BPCE et Crédit Agricole.
Réduction des délais et des coûts des paiements
L’initiative Agorá cherche à démontrer comment un registre unifié pourrait améliorer l'efficacité des processus commerciaux et réglementaires dans les chaînes de paiement à distance, réduisant les délais de transaction, les coûts et les risques pour les banques impliquées dans les paiements transfrontaliers.
Comment le projet Agora pourrait simplifier les transactions internationales (Source : Banque des règlements internationaux)
Elle vise également à surmonter les problèmes de conformité, une des principales sources de ralentissement des transactions internationales. Actuellement, chaque banque effectue des contrôles indépendants pour les mêmes transactions, souvent avec des résultats variés. Le projet Agorá propose d’effectuer ces vérifications dès le début du processus de paiement et de les partager entre les banques, ce qui devrait réduire ces délais.
Le projet prévoit également de tester la capacité à représenter des dépôts de banques centrales tokenisés sur un registre unifié répondant aux exigences techniques et commerciales. Il inclut également la réalisation de transactions transfrontalières atomiques entre zones monétaires, en utilisant une paire de devises ou une devise véhicule, tout en maintenant les relations entre les déposants et les banques.
L'impact de la tokenisation sur les paiements
L’attrait de la tokenisation réside dans sa capacité à intégrer la représentation numérique d'un actif, qu’il s’agisse de monnaie commerciale ou de banques centrales, avec des contrats intelligents programmables. Cette approche pourrait simplifier des tâches complexes et permettre des types de transactions et d’arrangements qui ne sont pas possibles avec les systèmes actuels. Par exemple, la séparation entre le message de paiement et le mouvement de fonds serait éliminée, évitant ainsi les situations où les fonds sont temporairement bloqués sans pouvoir être transférés.
Le projet Agorá est présenté par la BRI comme n'étant pas qu'un simple concept théorique. Selon l'institution, il s'efforce de produire un prototype technique pour tester divers cas d'utilisation actuels et futurs. Pour la BRI, les enseignements tirés de ce projet pourraient poser les bases d'une nouvelle infrastructure de marché financier, régulée et adaptée aux paiements transfrontaliers reposant sur des technologies nouvelles.
Une sélection rigoureuse des participants
Le BIS Innovation Hub, en collaboration avec l'IIF, a sélectionné les participants privés en fonction de nombreux critères. Outre le fait d’être des entités financières régulées, les institutions devaient avoir une expertise en finance internationale et en paiements transfrontaliers, ainsi qu’un accès à des systèmes de règlement brut en temps réel ou de compensation dans leur zone monétaire ou juridiction. Cette diversité de profils et d'expertises vise à s'assurer que le projet explore toutes les facettes des paiements transfrontaliers modernes, de la conformité réglementaire à l'innovation technologique.
Le calendrier du projet prévoit une phase de conception qui se déroulera jusqu'à la fin de 2025. À cette date, un rapport final sera publié, décrivant le prototype, ses tests et une analyse des enjeux juridiques et réglementaires identifiés dans les sept juridictions concernées, en lien avec la tokenisation et l’utilisation des CBDC. Ce rapport constituera un document clé pour envisager l'avenir des paiements transfrontaliers, potentiellement transformé par les avancées réalisées dans le cadre du projet Agorá.
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