Prévisions 2025 : l’euro numérique face à la vague du bitcoin

L’euro numérique après le bitcoin ? • Qant, M. de R. avec Midjourney

Le train de sénateur de l’euro numérique ne lui permettra pas, en 2025, d’offrir une alternative à l’engouement montant pour le bitcoin et les cryptos. Mais les risques de crise monétaire sont tels que le besoin d’une monnaie numérique solide pourrait se faire bientôt sentir.

La semaine dernière, un député de la Douma russe, Anton Tkachev, a proposé la création d’une réserve stratégique russe en bitcoin. Il se faisait ainsi l’écho, principalement, des déclarations publiques de Vladimir Poutine qui, le 4 décembre, se demandait devant Reuters si le bitcoin ne serait pas un meilleur vecteur pour les réserves internationales que le dollar – considérant que les réserves en dollars de la Russie ont été saisies après l’invasion de l’Ukraine en 2022, ou sont devenues inutilisables.

De Fort Knox à Mount Gox

Moins délibérément sans doute, Anton Tkachev reflétait aussi les positions de la sénatrice américaine Cynthia Lumnis, qui a remis sur la table fin novembre la proposition que l’État fédéral américain achète 1 million de bitcoins en cinq ans, soit environ 5 % de la circulation totale de la cryptomonnaie.

À l'en croire, la manœuvre serait financièrement neutre car le Trésor américain détient une part de ses réserves non directement en or, mais en certificats basés sur la valeur de l’or en 1973, au moment de la fin de la convertibilité : moins de 43 dollars l’once. En écoulant partie de cet or au prix du marché (2 650$ l’once), les États-Unis pourraient rééquilibrer leurs réserves vers le bitcoin. Et rembourser, d’après la sénatrice républicaine, la moitié de leurs dettes grâce aux plus-values réalisées sur la cryptomonnaie.

On verrait ainsi émerger “une sorte d’étalon-bitcoin, après l’étalon-or, analysait fin novembre l’avocat spécialisé Hubert de Vauplane, associé au cabinet Kramer Levin. Sans la mener jusqu’au bout de sa logique, le président de la Fed Jerome Powell illustrait dix jours plus tard une thèse aux fondements semblables : “Le bitcoin fait concurrence à l’or et non au dollar”, déclarait-il à une conférence du New York Times.

L’euro numérique après le bitcoin ? • Qant, M. de R. avec Midjourney

Hodl, pas yodl

Pour qu’un tel équilibre monétaire puisse émerger, puis se maintenir dans la durée, il faut croire à la solidité du bitcoin. Au cri de HODL (Hold On for Dear Life), ses apologistes soutiennent que la limitation par construction du nombre de bitcoins en circulation à 21 millions aura pour effet d’en consolider la valeur. Or, presque 20 millions de bitcoins ont déjà été émise : le seuil est assez proche. Quand il aura été atteint, le cours du bitcoin ne pourra que monter, du moins d’après les adeptes du Hodl.

La perspective que des grandes puissances, comme la Russie ou les États-Unis, puissent s’en servir pour constituer des réserves stratégiques suffit à assécher le flottant et renforcer la tendance haussière. Bien avant cela, les ETF bitcoin ont commencé à suralimenter la demande (lire Qant du 11 janvier), tout comme des spéculateurs comme Microstrategy, qui s’endette pour acheter des bitcoins, offrant à ses actionnaires un levier d’environ 3,5. Le boom du bitcoin s’apprête à la faire entrer dans l’indice Nasdaq, lui permettant de s’alimenter auprès des gros bataillons de la gestion passive.

Bulbes cryptographiques

Il s’agit là, bien évidemment, d’une bulle financière pleinement caractérisée. Alors que l’IA fait preuve d’un véritable sous-jacent technologique et économique, l’ascension vers l’infini de la valeur du bitcoin, ou du prix des bulbes de tulipes, n’a guère de chances d’advenir par elle-même. Pour créer un étalon-bitcoin, une ferme décision politique est nécessaire. Elle ne sera probablement pas prise en 2025, du moins aux États-Unis.

Pour l’heure, Donald Trump s’est simplement engagé à ne pas vendre les quelque 20 000 bitcoins saisis par les États-Unis dans des opérations de police. L’effet sur le marché serait évidemment bien moindre. Paradoxalement, en n’asséchant pas durablement le marché, il augmente les chances d’une explosion plus rapide de la bulle, le jour où les intégristes du Hodl s’aperçoivent que les moyens du contribuable américain n’ont pas été tous mis au service de l’ascension éternelle du bitcoin.

On peut donc plus raisonnablement gager que la bulle du bitcoin éclatera, au plus tard, quand Donald Trump aura trouvé le moyen de ne pas en porter la responsabilité auprès de ses électeurs détenteurs de cryptos. Difficile, en revanche, d’en prévoir plus précisément la date, ou même l’année. De trop nombreux facteurs sont en jeu, comme le probable retour de l’inflation à cause des tarifs douaniers, et la confiance des investisseurs dans le dollar sous Trump. Un nouvel ordre monétaire pourra naître si l’impéritie trumpienne conduit à une nouvelle crise financière.

2025, l’année des stablecoins

En revanche, une tendance technologique semble claire pour 2025 : la fin du dollar numérique et sa substitution par des stablecoins. Les multiples déclarations de Trump, pendant la campagne électorale, contre un dollar numérique géré par la Fed forment en effet des promesses faciles à tenir. Sous une administration aussi fortement orientée en faveur des cryptos, on ne verra pas naître de dollar numérique de sitôt. En revanche, les fonctions d’une monnaie numérique peuvent lui être apportées par des stablecoins, des jetons indexés au dollar.

Les stablecoins, dont la circulation ne cesse de croître depuis un an, peuvent être intégrés à tous les services financiers, du crédit à l’assurance ou l’investissement. Ils pourront apporter au dollar toutes les fonctions d’une monnaie numérique, comme la programmabilité, la diminution des coûts de transaction, notamment à l’international, la transparence et la sécurité… En 2022, le dernier hiver crypto a été déclenché par l’explosion d’un stablecoin algorithmique, Terra. La course aux cryptos de l’an prochain ne sera pas plus dépourvue de danger, en l’absence de réglementation. Mais du moins sera-t-elle pourvue de fondations économiques et technologiques solides.

En attendant l’euro numérique, un jour.

L’essentiel