- Turbulences. La directrice générale du FMI Kristalina Georgieva a expliqué la semaine dernière, lors des rencontres annuelles entre le FMI et la Banque mondiale, pourquoi l’or, valeur refuge par excellence, vient de passer les 4 000 dollars l’once – plus haut que jamais, en termes réels, y compris 1980, le point culminant après que Nixon ait révoqué l’étalon-or. Or, l’optimisme sur la hausse de productivité grâce à l’IA a enflammé les marchés d’actions, publics et privés. Les valorisations se rapprochent des niveaux de 2000, mais les marchés peuvent se retourner abruptement. Kristalina Georgieva prévient : « Attachez vos ceintures : l’incertitude (...) est faite pour durer ».
- Tocsin • Dans son rapport de stabilité financière d’octobre, la Banque d’Angleterre (BOE) va bien plus loin. Elle juge bien trop tendues les valorisations sur les marchés, surtout pour les entreprises tech et IA, et souligne une hausse du risque de correction brutale. Elle rappelle en outre que les doutes sur l’indépendance de la Fed accroissent la vulnérabilité des marchés.
- Dépendances en chaîne • La bulle IA ne concerne pas que les actions. Elle génère également des dettes d’infrastructures, pour la construction des data centers, et elle met sous tension les marchés de l’énergie. Bain & Company estime qu’il faudra 500 milliards de dollars d’investissements annuels d’ici 2030 pour financer les besoins de calcul d’IA et les 100 GW de puissance électrique supplémentaires qu’ils nécessitent. Vendredi, le Financial Times estimait que la seule OpenAI, valorisée à 500 Mds $ (35 fois son chiffre d’affaires), se trouve au centre d’investissements et d’accords commerciaux croisés pour 1 000 milliards. Dans certains segments de finance de marché, comme le crédit privé et les ETF thématiques, des flux procycliques amplifient le mouvement.
- L’agent orange • Londres dénonce la remise en cause de l’indépendance de la Fed entreprise par Donald Trump. Si elle arrive à bon port, elle déclencherait un « re‑pricing » des actifs en dollars, y compris les Treasuries, avec des effets de contagion sur les coûts d’emprunt au Royaume‑Uni – et ailleurs. Les rendements sont en effet étroitement corrélés ; une baisse des obligations américaines renchérit la dette publique britannique. Or, une seule séance de stress sur les taux longs peut suffire à casser les multiples des valeurs IA – les cash‑flows lointains sont les premiers à souffrir quand la duration remonte.
- EN FILIGRANE : Les sept mousquetaires... La concentration de la valeur sur les marchés financiers américains atteint un record. Près de 30 % de la capitalisation du S&P 500 provient de ses cinq plus grosses valeurs et les Magnificent Seven (Nvidia, Microsoft, Apple, Alphabet, Amazon, Meta, Tesla) atteignent les 35%. Cela rend les indices particulièrement fragiles.
- À SURVEILLER : … Les diamants de l’IA. La saison des résultats s’ouvre cette semaine. Un trimestre décevant chez les poids lourds – croissance moins rapide du cloud/IA, marges comprimées… – peut suffire à déclencher un « re‑rating violent » via les ETF et la gestion indicielle. En outre, si l’investissement ralentit avant que le chiffre d’affaires ne prenne le relais, la chaîne se grippe : moins de commandes d’infrastructure, marges sous pression, révisions de croissance… et coup de froid sur les multiples. Pour faire bon poids, la répercussion des coûts des tarifs douaniers (« price passthrough ») finira sans doute tôt ou tard par raviver l’inflation aux États-Unis, forçant des conditions financières plus strictes et rognant la croissance. Dans un tel scénario, la prime de risque remonte, les valorisations se compriment et l’appétit pour les paris IA se calme instantanément. Avant même, peut-être, que Trump n’ait réussi à casser l’indépendance de la Fed.