VivIAtech : que la fête commence

Bruno Le Maire remercie Maurice Levy (Publicis), président de Vivatech (Photo : Qant)

À l’image de son grand frère américain, le CES, le salon français de la tech fait la part belle à l’intelligence artificielle et ses applications.

« Vivatech est devenu le premier salon technologique au monde et nous le devons à un homme : Maurice Lévy ». Au moment de prendre la parole mercredi après-midi, Bruno Le Maire a d’abord un mot pour le président et fondateur de Vivatech. Car moins de cinq mois après le CES américain, l’ambition française est telle : faire de Vivatech la vitrine de la French Tech et de l’excellence à la française.

Après deux années de turbulences, la French Tech semble retrouver son élan, notamment grâce à l’IA. Les start-up françaises, qui ont subi une période d'austérité marquée par des réductions d'effectifs et un ralentissement des financements, montrent à Vivatech des signes encourageants de vitalité. Le compteur des licornes, autrefois un indicateur de succès, a redémarré avec l'émergence de Mistral AI, Pennylane (comptabilité) et Pigment (planification financière). Et les investisseurs américains sont de retour.

Andreessen Horowitz et Lightspeed Venture Partners ont fortement contribué à la levée de fonds de Mistral AI. Pennylane a su convaincre Sequoia Capital et DST Global, tandis que Pigment a attiré l'attention de Sandberg Bernthal Venture Partners, le fonds de l'ancienne dirigeante de Facebook, Sheryl Sandberg.

Les trois défis de l’IA

La qualité des talents techniques français a permis à Paris de s'affirmer sur la scène internationale de l'IA. Des start-up comme Dust AI, fondée par d'anciens membres d'OpenAI et d'Alan, ont attiré des investisseurs prestigieux comme Sequoia Capital. Des entrepreneurs étrangers, comme ceux de Poolside et FlexAI, ont également choisi de s'installer en France. Des fonds de growth et de private equity, comme l'Américain Summit Partners, montrent un intérêt croissant pour la French Tech, illustré par l'acquisition de OneStock, une start-up toulousaine.

Bruno Le Maire en est bien conscient, le renouveau de la French Tech passe par la révolution de l’IA. Le ministre de l'Économie et des Finances, mais aussi de la Souveraineté industrielle et numérique, ne s'y trompe pas : les enjeux d'un leadership français de l'IA sont majeurs, et ils sont multiples. Économiques d'abord : pour Bruno Le Maire, l'IA est "une chance unique pour l'Europe de rattraper son retard de productivité vis-à-vis des États-Unis". Politiques, ensuite : le ministre évoque un "partage des eaux" au XXIème siècle, entre "ceux qui produiront l'IA et ceux qui achèteront celle des autres. Je veux que la France ait ses propres entreprises d'IA qu'elle soit du côté de ceux qui l'inventent et non de ceux qui la subissent". Culturels, enfin : l'IA est vu par Bruno Le Maire comme "un outil de culture, nourri par des savoirs et des valeurs".

Start-up et grands groupes en synergie

Les exemples de pépites françaises de l’IA, souvent déjà au rendez-vous du CES à Las Vegas, ne manquent pas dans les travées de Vivatech. La start-up française Kikleo, par exemple, a présenté ses bornes dopées à l'IA pour réduire le gaspillage alimentaire dans la restauration collective. Elles analysent les restes de nourriture et permettent aux gestionnaires de mieux comprendre et réduire le gaspillage. Kikleo annonce avoir permis d'économiser, en 2023, 86 tonnes de nourriture et 520 tonnes de CO2. La solution, bien que coûteuse (5 000 à 7 000 euros par an), offre un retour sur investissement significatif, avec une réduction moyenne de 20 % du gaspillage alimentaire chezses clients.

Enchanted Tools a de son côté présenté ses robots humanoïdes boostés à l'IA générative Miroki et Miroka (lire Qant du 9 janvier). Ces robots, inspirés de l'animation, utilisent des modèles de langage avancés pour interagir de manière émotionnelle et intuitive avec les humains. Destinés à améliorer l'efficacité dans les secteurs de la santé, de l'hôtellerie et de la restauration, ils visent à réduire les tâches logistiques répétitives. Les visiteurs de Vivatech ont notamment pu observer des démonstrations de navigation autonome et de manipulation d’objets.

Les grands groupes aussi sont présents à Vivatech, qui est né en 2016 avec l’objectif de faciliter la relation entre les deux mondes, ouvrant le CAC 40 à l’innovation et, pour les start-up, la porte d’une nouvelle clientèle.

Scaleway, filiale de Free, a ainsi multiplié les annonces durant le salon, avec notamment un partenariat stratégique avec la start-up française H (lire Qant du 22 mai). Scaleway fournira un cluster d'entraînement de GPU Nvidia H100 Tensor Core à "la nouvelle start-up européenne championne de l'IA".

Renault a de son côté présenté U1st Vision, un utilitaire aux allures futuristes 100% électrique faisant office de cabinet médical tout équipé et LVMH y a présenté "MaIA", une intelligence artificielle générative basée sur ChatGPT à destination de ses marques de luxe comme Louis Vuitton et Dior. Utilisée par 4000 à 6000 employés, MaIA aide à synthétiser des contrats, traduire des documents et personnaliser l'expérience client. MaIA s'adapte à la culture et à la langue des clients, tout en étant éthique et responsable. LVMH forme ses employés via la "Prompt Academy" et collabore avec des géants tech comme Google Cloud.

Les grands noms de l’IA à la française, présents mardi au côté d’Emmanuel Macron (lire Qant du 22 mai), sont venus le lendemain s’exprimer à la tribune, à l’image du pionnier de l’IA Yann Le Cun, qui a tenu un discours rassurant devant un foule beaucoup plus compacte que pour le ministre de l’Économie : “Les gens pensent que les LLMs ressentent des choses et qu'ils pensent ce qu'ils disent. Je ne suis pas du tout d'accord” a-t-il rappelé, avant de s’exprimer sur le spectre de l’intelligence artificielle générale (AGI), dont l’apparition sera selon lui progressive : “L’AGI n’apparaîtra pas en un jour”. Le mot de la fin appartient à Eric Schmidt, ancien président de Google, qui résume à lui seul le sentiment dominant dans les allées de Vivatech : "Beaucoup disent que l'IA est surestimée. Je pense que c'est exactement le contraire".

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