Construire un réseau social de propagande

“Musk et le fusil à tirer dans les coins” • Une caricature de Qant avec GPT-4o

Sur X, Grok pousse des messages non sollicités à propos d’un – imaginaire – génocide des Blancs en Afrique du Sud, au moment même où l’administration Trump en accueille les premiers “réfugiés”. L’épisode permet de jeter un regard sur la convergence de l’IA et des algorithmes des réseaux sociaux.

  • Alerte. Grok, le chatbot intégré au réseau social X, a inséré mercredi de nombreux messages évoquant un “génocide blanc” en Afrique du Sud, alors même que les utilisateurs le sollicitaient sur des sujets sans aucun lien.
  • Washington. L’incident a coïncidé avec l’accueil aux États-Unis de 54 Afrikaners, les premiers à avoir obtenu le statut de réfugié prévu par un décret exécutif (executive order) de Donald Trump, qui affirme qu’un génocide est en cours en Afrique du Sud contre les fermiers blancs.
  • Carabistouille. Aucun élément factuel n’est venu corroborer ces allégations de génocide, qui semblent avoir été motivées par une tentative de réforme agraire en Afrique du Sud et le titre provocateur d’une chanson, Kill The Boer.
  • Coïncidence. Les “réfugiés”, munis de petits drapeaux américains par l'ambassade étasunienne à Pretoria, ont fait l’objet d’une tentative de médiatisation par l’administration Trump au moment même où Grok adoptait ses comportements “déviants”.
  • Aveu. Interrogé par des utilisateurs, le modèle d’IA Grok a affirmé avoir reçu l’instruction de ses créateurs de traiter ce sujet comme réel et racialement motivé, en contradiction avec des données officielles et une récente décision de la justice sud-africaine.
  • Marche arrière. Le moment de communication passé, Grok a cessé ce comportement et corrigé ses réponses, admettant que ses instructions entraient en conflit avec son objectif de produire des réponses fondées sur des preuves. xAI a déclaré – sur X – que cet “incident” provenait d’une “modification non autorisée”. Pourtant, depuis son lancement prématuré, où le manque d’entraînement lui permettait une grande liberté de parole, le chatbot est largement revenu dans les rails idéologiques voulus par ses créateurs.
  • EN FILIGRANE : Elon Musk, Blanc Sud-Africain. Plus d’un utilisateur de X sur trois est désormais abonné au compte d’Elon Musk, qui est passé de 80 millions de followers au moment du rachat de Twitter en 2022 à 207 millions en 2025. Selon le Centre de lutte contre la haine en ligne (CCDH), repris par l’AFP, 50 publications fausses ou trompeuses d’Elon Musk sur les élections américaines ont généré plus de 1,2 milliard de vues en 2024. Elon Musk est par ailleurs le fils d’un propriétaire minier sud-africain. Il a grandi en Afrique du Sud, dont il est parti trois ans avant la fin de l’apartheid.
  • À SURVEILLER : La convergence des algorithmes. La croissance du nombre d’abonnés de Musk et la résonance de ses publications de propagande a été favorisée, et probablement déterminée, par une évolution de l’algorithme de X. Celui-ci a mis en avant les publications d’Elon Musk, augmentant leur exposition auprès des utilisateurs, même quand ils n’étaient pas abonnés au compte. Ces algorithmes d’amplification alimentent des modèles de machine learning qui déterminent quels messages mettre en avant. Malgré le secret qui les entoure, on peut supposer que l’introduction de LLM dans les réseaux (Grok, Meta AI…) permet de mieux étiqueter les données initiales (likes, commentaires, partages, temps de visionnage, clics…) et de mieux déterminer les préférences et comportements des utilisateurs. Les chatbots devraient être bientôt capables de générer des messages sur mesure, publicitaires ou politiques.

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